Jadis, le territoire revêtait un caractère figé, immobile, délimité par les frontières, qui réduisait l’échange entre les hommes du fait de ses barrières géographiques. Aujourd’hui, il a épousé de nouvelles formes, donnant naissance au phénomène d’extraterritorialité via la mondialisation, l’interdépendance des économies et des hommes. Nous assistons à un monde de plus en plus globalisé qui rend caduques les frontières physiques.
Depuis le début du 21e siècle, on assiste à l’émergence d’un nouveau territoire : je pense à Internet. Sur ce dernier, les matières premières les plus convoitées sont : les données car elles constituent une ressource indispensable pour faire perdurer cet espace. Sur ce territoire, la notion de frontière prend une autre dimension car les personnes physiques ou morales peuvent, en effet, s’échanger des idées ou produits sans se voir physiquement.
Les nouvelles technologies de l’information et de la communication donnent également à la notion de territoire un nouveau paradigme, laissant place à de nouveaux outils d’échanges entre les États et les peuples. Internet et les réseaux sociaux permettent de rapprocher les hommes, créant ainsi des territoires virtuels.
Si avec les territoires traditionnels les ressources sont finies, sur ceux virtuels, elles sont infinies. Les individus, qui les composent, produisent de façon illimitée les ressources. Il s’agit de la donnée. Cette matière est, de nos jours, très disputée tant par les États traditionnels que les GAFAM.
Les territoires virtuels se sont tellement répandus au point de s’étendre et de conquérir des territoires plus complexes, lieux de nos modes de pensées, nos idées, nos images, nos clichés, nos comportements, etc. Il s’agit des territoires psychologiques.
J’entends par territoires psychologiques : les lieux de création des idées, des idéologies, des images, des concepts, des clichés, etc. Les individus, pris séparément ou collectivement, ont tous des idées, des images dans leurs esprits qui influencent leur façon de voir le monde, de se définir et de définir l’autre, son voisin.
Le comportement des populations est essentiel à saisir : pour comprendre l’autre, il faut savoir comment il raisonne, quelles sont ses valeurs, quelles sont ses réactions et ses représentations, liées aux sentiments nés des expériences au fil du temps. Or, très souvent, nos idées nous ont été soufflées par des individus qui essayent tant bien que mal de se faire une place dans nos représentations mentales, donc nos territoires psychologiques pour nous influencer dans nos prises de décisions.
Depuis toujours, les États comme les organisations privées cherchent à conquérir et à dominer les territoires psychologiques pour semer sur le court, moyen et long terme leurs idées et leurs représentations du monde. Pour se faire, ils n’hésitent pas à « draguer », voire séduire les populations.
La maîtrise du territoire devient alors une condition sine qua non pour les décideurs politiques face aux nouveaux défis de ce dernier. L’usage d’outils capables de répondre aux nouvelles problématiques de l’espace vital octroie aux politiques un avantage stratégique pour la maîtrise interne, externe, voire virtuelle, du territoire.
Le territoire est un espace de rencontre des idées et des hommes. Il devient donc indispensable d’essayer de l’appréhender à sa juste valeur.
L’intelligence économique est un outil formidable pour essayer d’identifier les forces, les faiblesses, les opportunités et les menaces liées à un territoire.
Aujourd’hui, les organisations opèrent dans un environnement complexe et qui change de façon perpétuelle, caractérisé par des flux exponentiels d’informations. Ainsi, une approche anticipative et proactive est une nécessité voire une condition sine qua non pour à la fois connaître son environnement et prendre des décisions basées sur l’information pertinente au moment opportun.
Le monde se réarme économiquement et nous africain, refusons de l’admettre tandis que les autres continents se battent depuis très longtemps sur les champs de bataille économique. Les États-Unis ont toujours été de solides guerriers économiques. Et cela depuis leur naissance
Quant à la Chine, elle a pris le temps d’observer, d’apprendre et copier le modèle d’intelligence économique japonais afin d’élaborer une véritable stratégie de guerre économique mêlant les valeurs confucéennes, marxistes et celle d’un libéralisme anglo-saxon particulièrement agressif et protectionniste
Aujourd’hui, Washington et Pékin s’affrontent pour le leadership économique mondial, principalement sur le front technologique : 5G, intelligence artificielle, Big Data, batteries électriques, cybersurveillance, véhicule connecté, espace, armement… La plupart de ces batailles économiques se jouent également sur le front des normes, des standards et des psychologies.

Pour aller plus loin : « L’intelligence économique au service des territoires du Sénégal« , Lamine SARR, Octobre 2022, Collection : Harmattan Sénégal